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Critique : tempête de sable (2016), un film d'elite zexer

  • Un village de bédouins confronté à des traditions patriarcales et des mariages arrangés
  • Layla, une jeune fille moderne, tente de s'émanciper malgré les normes culturelles
  • Regard tendre sur les femmes luttant contre des traditions rétrogrades dans un contexte désertique
  • "Tempête de sable", un film acclamé par la critique, primé dans de nombreux festivals et représentant Israël aux Oscars 2017

Un village de bédouins, perdu dans le désert du Néguev, à la frontière entre Israël et la Jordanie ...

Critique : tempête de sable (2016), un film d'elite zexer

Un mariage, des amoureux, un drame

Dès les premières images du film, le sujet est posé, Suliman (Haitham Omari), apprend à conduire à sa fille, Layla (Lamis Amar). Arrivés à proximité d’un village, le père reprend le volant. Doit-on comprendre que les femmes ne peuvent pas conduire dans ce village de bédouins, perdu dans le désert du Néguev, à la frontière entre Israël et la Jordanie?
Nous allons être vite confrontés à une autre culture, où la polygamie, les mariages arrangés ou forcés, la soumission des femmes au pouvoir masculin s’inscrivent dans des traditions que nul ne semble remettre en cause.
Jalila (Ruba Blal-Asfour), l’épouse de Suliman, la mère de Layla, est humiliée par le mariage de son mari avec une deuxième épouse plus jeune qu’elle et plus riche, elle s’affaire néanmoins aux préparatifs de la fête, comme l'exige la tradition. Elle découvre, en même temps, que sa fille, amoureuse d’un camarade d’université qui appartient à une autre tribu, Anuar (Jalal Masarwa), veut se marier. Furieuse elle lui interdit de le revoir, leur mariage serait une honte pour toute la famille, la coutume refusant aux femmes le moindre contact avec un étranger.

 Critique : tempête de sable (2016), un film d'elite zexer #2

Mais, Layla est une jeune fille du 21ème siècle, qui poursuit des études, qui possède un téléphone portable, qui sait conduire. Va-t-elle se révolter et s’émanciper de cette culture bédouine ancestrale, cadenassée par les hommes ?
Entre drame et humour aussi, le chemin sera difficile et émouvant, passionnant, inattendu …

Des femmes belles, fortes et combatives

Elite Zexer porte un regard tendre, plein de finesse sur les femmes qu’elle met en scène. Elles sont toutes belles, fortes, intelligentes. Leur résignation n’est qu’apparente, elles luttent chacune à leur façon contre des traditions rétrogrades, néanmoins sapées par la modernité qui s’installe de façon inéluctable. Et puis les hommes ne sont peut-être pas aussi forts qu’on le croit, ces femmes fortes les affrontent, ils répliqueront durement, mais auront-ils gain de cause in fine ?

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Tout au long du film on suit aussi une petite fille bien sympathique, Tasnim (Khadija Alakel), la sœur cadette de Layla, toujours en jean, souriante et coquine, qui se promène partout, observe tout le monde et ne veut pas porter de foulard. La dernière séquence du film nous la monte derrière la grille d’une fenêtre, celle de la maison de Layla, jeune épousée, elle est à l’extérieur de la maison et elle dit "NON" ! Belle image optimiste et symboliquement riche de sens !

Le monde évolue, les relations entre générations, entre les hommes et les femmes aussi, même aux confins du désert. C’est là une grande force du film d’Elite Zexer qui parvient à gommer le pittoresque, le singulier d’un monde qui nous est complètement étranger, pour rejoindre l’universalité d’un sujet qu’elle expose avec acuité, conviction et talent.

Un film israélien tourné en arabe dialectal

Elite Zexer est israélienne, elle a tourné son film avec des acteurs arabes qui s’expriment en dialecte bédouin. Une prouesse qu’il faut saluer à plus d’un titre.
Des acteurs qui sont d’ailleurs remarquables, leur jeu est naturel et en même temps d’une grande intensité émotionnelle, que les plans rapprochés exacerbent.
Une caméra alerte, vivante qui saisit aussi bien la beauté des visages, que celle du désert, qui filme la lumière implacable, le vent, la fête, le travail des femmes avec grâce et de très belles scènes nocturnes, celles des hommes réunis. Une caméra de documentariste qui s’empare de la fiction, comme elle s’empare du réel.

Les courts-métrages de la jeune Elite Zexer, 37 ans, ont été présentés dans le monde entier et plusieurs fois récompensés. "Tempête de sable" est son premier long-métrage, apprécié par les jurys de festivals qui lui ont attribué en 2016, Le Grand Prix du jury au Festival de Sundance, ainsi que six Ophirs (équivalents israéliens des Césars français), dont ceux du Meilleur film et de la Meilleure réalisatrice. Il représentera Israël aux Oscars 2017, dans la catégorie des films étrangers… et il a de fortes chances d’être une fois encore primé  !

"Tempête de sable", un beau film grave, fort et émouvant, à voir absolument à partir du 25 janvier 2017.