De la banalité...
L'action se situe en 1997. Les premières séquences nous présentent un bateau de pêche, le capitaine Kang, son équipage uni autour de lui, solidaire. Le capitaine, une tête de brave type, sacrifie une pêche miraculeuse et providentielle pour éviter à son plus jeune matelot un accident grave. Le retour au port est sombre, l’argent manque, le rafiot est en mauvais état, le capitaine souhaite le racheter.
Tout va mal dans ce microcosme où crise économique et malaise individuel s’embrouillent dans un entrelacs de situations dramatiques mais parfois drôles aussi. En quelques plans, nous découvrons une misère prégnante, misère économique, misère humaine, misère des couples, misère sexuelle. Seul Dong-Sik, le jeune matelot, dans ses relations affectueuses et protectrices avec sa grand-mère, apparaît comme le personnage solaire de cette peinture sociale désespérante et tristement banale.
Pour sauver son bateau et son équipe, Kang accepte à son corps défendant et à ses risques et périls, de transporter des migrants clandestins chinois vers la Corée du sud.
... à l’horreur
La suite confrontera ces quidams ordinaires à une série d’événements auxquels ils n’étaient nullement préparés : contrôle des garde-côtes et corruption, réactions des clandestins maltraités qui s’insurgent, présence troublante, pour l’équipage, de deux femmes parmi eux, fureur de la tempête et métamorphose radicale du capitaine en individu agressif et brutal.
Les catastrophes s’enchaînent avec une implacable et inéluctable fatalité, entraînant tous les protagonistes dans une spirale de la violence et pour finir dans le cauchemar, l’horreur indicible.
Tout se passe à huis clos sur le bateau en perdition, l’atmosphère est oppressante, le suspense est maintenu avec brio. Le brouillard qui enveloppe le bateau précipite le basculement du pauvre équipage et de son chef dans le dérèglement général et la folie.
L’histoire d’amour qui se noue avec beaucoup de délicatesse entre Dong-Sik et la jeune clandestine Hong-Mae, offre au spectateur des temps d'acalmie, entre les séquences d'angoisse oppressantes.
Un premier film
Shim Sung-bo signe avec Sea fog sa première réalisation. Déjà connu comme l’un des plus célèbres scénaristes de Corée du sud, il a co-écrit avec Bong Joon-Ho « Memories of murder » (2003) qui a remporté de nombreux prix. Bong Joon-Ho, co-scénariste de Sea fog en est aussi le producteur.
Cette première réalisation est une réussite totale.
L’histoire, inspirée d’une pièce de théâtre, glisse avec adresse, sans pathos ni grandiloquence déplacés, d’une peinture sociale ordinaire au drame destructeur le plus noir, en dénonçant la tragédie des migrations clandestines.
La mise en scène, pudique et méthodique, soutenue par des acteurs de talent, des décors réalistes, une lumière froide, des effets spéciaux invisibles, tisse avec maîtrise un thriller d’une efficacité redoutable. La construction narrative est magistralement menée: tous les éléments, apparemment anodins, mis en place dans la première partie du film, trouveront leur écho déviant, dans la seconde, presque point part point !
Le spectateur est tenu en haleine, emporté, 111 minutes durant, dans ce voyage au bout de l’enfer.
On sort de la projection un peu déboussolé… et on attend le prochain film de Shim Sung-bo avec impatience.
SEA FOG, Les Clandestins sort le 1 avril 2015.
Bande annonce de SEA FOG, Les Clandestins
- Microcosme en crise : Misère économique et humaine, malaise individuel, drame et comédie se mêlent dans l'équipage d'un bateau de pêche.
- Catastrophes en mer : Transport de migrants clandestins, corruption, révolte des clandestins maltraités, tempête et basculement brutal du capitaine.
- Réussite totale : Premier film de Shim Sung-bo, thriller maîtrisé sans pathos ou grandiloquence déplacés sur la tragédie des migrations clandestines.